Les jeunes ont quitté le village Seuls quelques vieux restent accrochés
A une idée, a une image Morte mémoire du passé
Et Jésus en croix réalise Après deux mille ans révolus
Que Dieu même a quitté l'église Dont les cloches ne sonnent plus
Et moi je reste là Où je naquis la guerre
Pour travailler la terre Qui me rebeint de droit
La vérité de mon père Qui lui même a son tour
La reçut de son père Un jour
Et moi je reste là Dans la maison de pierre
Là je rends ses dentaires Et tout est libre moi
Ma femme aussi me tière Et les enfants partis
N'ayant plus rien a faire ici L'épicier a plié bagages
Le boulanger s'en est allé Fini naissance et mariage
Fini fêtes en rubanais La poste a perdu les adresses
Les rues sont vides et désertées Adieu les chants de la jeunesse
Seuls le vent pleure dans les brais Et moi je reste là
Faisant toujours de même Son noël y carême
Partant chaud ou frima Reçassant mes problèmes
Je travaille a plein temps Je récolte et je sème
Au vent Et moi je reste là
A faire et a refaire Les gestes millénaires
Que tant d'autres avant moi Durant leur vie entière
Depuis la nuit des temps Ont appris et su faire avant
Après les quelques vieux qui restent Mais ne seront plus la demain
Qui reprendra les simples gestes Que nous ont légués les anciens
Planter le sol dans la caillasse Semer le grain, manier la faune
Nourrir les bêtes et rendre grâce Chaque jour qu'il fait au plus haut
Et moi je reste là Avec mes mains caleuses
Sachant que la fausse jeuse Ne me ratera pas
Elle viendra la gueuse Un matin me chercher
Dans ma vieille vareuse usée Et moi je reste là
Dans ce coin de misère Sur ce lopin de terre
Mon seul bien ici bas Pour irai-je d'ailleurs
Je sais bien que pour moi Vieilli et solitaire
Même au bout de la terre Il n'y a pas d'ailleurs
Ailleurs