Moi,
mes amours d'antan,
c'était de la grisette,
Margaux la blanche caille et Fanchon la cousette,
Pas la moindre noblesse, excusez-moi du peu.
C'était, me direz-vous,
des grâces roturières,
Des nymphes de ruisseaux,
des Vénus de barrières,
Mon prince,
on a les dames du temps jadis qu'on peut.
Car le cœur a vingt ans,
se pose où l'œil se pose,
Le premier cotillon venu vous en impose,
La plus humble bergère est un morceau de
roi.
Ça manquait de marquises,
on connut la soubrette,
Faute de fleurs de lys,
on eut la pâquerette,
Au printemps Cupidon fait flèche de tout
bois.
On rencontrait la belle au puce le dimanche,
Je te plais, tu me plais,
et c'était dans la manche,
Et les grands sentiments n'étaient pas de rigueur.
Je te plais,
tu me plais,
viens d'ombo militaire,
Dans un train de banlieue,
on partait pour
six terres,
On n'était pas tenus même d'apporter son cœur.
Mimi de primabor payait guerre de mine,
Chez son fourreur sans doute,
on ignorait l'hermine,
Son habit sortait point de l'atelier d'un dieu.
Mais quand par-dessus le moulin de la galette,
Elle jetait pour vous sa parure simplette,
Ses psychés tout entiers qui vous sautaient aux yeux.
Au second rendez-vous, y'avait parfois personne,
Elle avait fait faux bon,
la petite amazonne,
Mais l'on ne courait pas se pendre pour autant.
La marguerite commençait avec Suzette,
On finissait de l'effeuillère avec Lisette,
Et l'amour y trouvait quand même son comptant.
C'était, me direz-vous,
des grâces roturières,
Des nymphes de ruisseau,
des Vénus de barrière,
Mais c'était mes amours,
excusez-moi du peu.
Des Manon, des Nini, des Suzon, des Musette,
Margot la Blanche-Caille et Fanchon la Cousette,
Mon prince en a les dames du temps jadis qu'on peut.