Paris, mardi 31 août 1948
Mon cher ami,
un poète est à la fois philosophe,
philologue,
moraliste,
historien,
physicien,
jardinier et même marchand de maison.
De plus,
on ne trouve la cadrature du cercle que dans la poésie.
Moi je sens que si tu persévères dans tes recherches métaphysiques,
tu te perdras dans une forêt.
Je suis née pour aimer,
pour passer dans la vie comme un étranger et
pour être indifférent à ce que l'on me raconte.
Tout ce que tu peux me faire comprendre,
je l'ai déjà entendu dans un concert.
Montre-moi des gens qui marchent,
qui s'aiment,
qui font des choses charmantes et bêtes comme
la vie,
des moulins qui tournent.
Serre-toi de l'absurde comme d'un bloc de marbre.
Rimbaud nous bouleverse plus qu'André Breton.
Pourquoi ?
Parce qu'il chante et n'apprend rien à personne.
Nous raisonnons trop et moi je raisonne
quand je te reproche de raisonner.
Nous sommes des enfants pour qui le monde entier est une école,
mais nous sommes encore
trop studieux.
Il faudrait pouvoir crier avec Rimbaud,
oh là là,
que d'amour splendide j'ai rêvé.
Dans tous nos gestes et dans chacune de nos pensées,
tu occupes la plus grande place,
la seule possible.
Nous t'embrassons, Georges.